Memoires du Fr. Cassien Schmidlin (1849-1928)

Ac­quisition d’un immeuble à Matzenheim
 
Dans une circulaire datée du 6 novembre 1861, Eugène Mertian annonce à ses Frères.l’achat de l’ancien relais de Poste «Aux deux Clés ». Il y précise les raisons de cet achat: la situa­tion de Matzenheim à proximité de la grande voie ferrée ouverte en 1941 offre de précieux avantages pour un Collège, bien que le site en lui-même ne soit pas des plus romantiques. D’autre part, les bâti­ments mis à la disposition des Frères à Hilsen­heim, doivent retourner, après quelques années, aux Sœurs de la Divine Providence.
                                                                                                                                                 
 
Exode de Hilsenheim à Matzenheim en janvier 1862.
 
Il partit de Hilsenheim avec sa petite famille le 6 janvier 1862 et on se rendit dans la nouvelle résidence.
C’était une maison délabrée qui demandait beaucoup de réparations. Les novices se logèrent où ils purent: qui dans la grange, qui dans les écuries ou autre part; mais on était content, sous laprotection de la Providence.
La maison fut redressée par le charpentier Fuchs de Sand et l’on y ajouta 4 petites chambres dont deux servirent de logement au Père Mertian. On arrangea pour chapelle une grande chambre qui fut peinte et décorée par le  Frère Bernard, une des colonnes de la nouvelle société.
La même année on commença à Matzenheim un externat qui prit une bonne partie du rez-de-chaussée. Cet externat eut pour directeur le Fr. Edouard auquel fut adjoint le Fr. Florent. Les élèves ne tardèrent pas et remplirent la maison: on y admit même des juifs, qui n’étaient plus alors que 4 familles dans le village.
 
  • Restaurant "Aux deux clefs"

  • Hilsenheim en 1856

  • Le château de Werde à Matzenheim

Memoires du Fr. Cassien Schmidlin (suite)

Acquisition du château de Werde
 
Le 19 mars 1865, après le salut solennel à l’occasion de la fête de saint Joseph le Rév. Père Supérieur annonça à la communauté qu’il avait acheté le château de Werde. Ce château avait été la résidence des Landgraves de la Basse-Alsace, mais alors à peu près en ruines. Il était propriété de la famille Rohmer de Matzenheim et habité en ce moment par un vieux couple que les anciens propriétaires y avaient: laissé par pitié. Ces deux personnes coupèrent des arbres du jardin, mais s’en servirent comme bois de chauffage; ils enlevèrent même, dans le même but, la charpente du toit; la maison était donc un amas de ruines et le grand jardin offrait un aspect lamentable. Monsieur Mertian, grand amateur d’antiquité travailla à y mettre de l’ordre: le jardin converti en une grande houblonnière qui rapporta de belles sommes d’argent dont on avait bien besoin et le château mis en état où il se voit ci-dessous.
 
 
En 1867 le Rév. Père eut le bonheur et le plaisir de recevoir Mgr. Kobès, évêque missionnaire du Sénégal, qui revenait de Rome où il avait assisté aux fêtes célébrées à l’occasion du 18e centenaire des saints apôtres Pierre et. Paul. C’était un ami de séminaire, qui était entré dans la société des Pères du St. Esprit, fondée par le vénérable Père Liebermann lequel avait été, au grand séminaire, condisciple de Mr. Mertian. L’évêque avait avec lui un missionnaire noir, le Père Chuka encore assez Jeune, qui, dans une petite allocution nous a laissé, non pas une image, mais seulement les 3 S très importants pour des jeunes religieux: santé, science, sainteté.
 
En quittant Hilsenheim, on y a laissé, en attendant, un pensionnat connu parmi le peuple sous le nom de Providence de Hilsenheim. Cet Institut était comme son nom l'indiquait, sous les ailes de la Providence, qui en avait un soin maternel. Le chef de la maison était toujours au commencement le R.P.Supérieur, aidé de son frère, Mr. l’abbé Joseph Mertian. En 1866, Mr. le Supérieur mit à sa place le Frère Hilaire qui remplit cette charge jusqu’en 1904.
 
Noyade du Fr. Calasanz
 
L’année 1867 vint porter le deuil dans la petite communauté de Matzenheim. C’était le 6 juin. Il faisait chaud et l’on voulait profiter de la première journée chaude pour aller prendre un bain dans l’Ill, dans notre nouvelle propriété de Werde. On était gai comme rarement, mais l’un de la société surtout était d’une gaîté exubérante. On était 5et l’on se partagea en deux bandes, les deux plus jeunes, Fr. Cassien et Fr. Calasanz devaient commencer, les 3 autres s’éloignèrent pour aller se promener. Le Fr. Calasanz continua son rôle de farceur et dit aux trois qui partaient qu’il les appellerait s’il était sur le point de se noyer. Dix minutes ne s’étaient pas écoulées, que le pauvre Fr.Calasanz qui avait presque traversé l’Ill, n’étant plus qu’à quelques 5 mètres du bord, plongea en jetant un grand cri. Il remonta à la surface, la figure d’un rouge de feu puis plongea et c’était la dernière; les 3 autres accoururent mais pour constater l'épouvantable catastrophe. Sur cela arrivait le Fr. Bernard avec les noviceset les postulants. On fit entrer le cher frère Directeur, Fr. Bernard, pour lui annoncer le malheur. Il renvoya les jeunes gens qui, arrivés à la maison, y répandirent la consternation. Le Fr. Ephrem, l’oncle du noyé fut averti à la Providence, se hâta d’aller porter la triste nouvelle à Sigolsheim. On dit qu’un malheur n’arrive jamais seul.
Ce fut le cas. La sœur aînée du bon Fr. Calasanz, une année après l’accident fut saisie de folie et mourut à Hoerdt dans l’établissement des incurables. Le pauvre frère ne fut retrouvé que le mercredi suivant.
 
Construction d’un nouveau bâtiment à Matzenheim
 
Mr. le Supérieur Mertian songea à réunir le Pensionnat au noviciat. Pour cela il s’agissait de construire. Mr le curé de Zillisheim, Mr. Meyer, l’architecte du petit séminaire de Zillisheim fut chargé de tracer un plan.
 
L’année 1869 se passa à faire les préparatifs. On fit venir les pierres de Lorraine (Mittelbronn) et on les chercha à Krafftau canal; les paysans de Matzenheim se mirent à la disposition eten cherchèrent à Ottrott. On creusa des fours au jardin pour y cuire des briques, la Gänzeweid fut choisie comme chantier pour le bois. On s’adressa à Hilsenheim pour avoir des maçons, dont le chef fut un brave homme habile Keller; on y garda ceux de Matzenheim, de même pour les manœuvres; les charpentiers, aussi des Keller, vinrent encore de Hilsenheim avec le charpentier Fuchs de Sand. Les novices et les postulants furent mis à la besogne, et l’on peut penser que les études souffrirent beaucoup de cet état de choses. Les Frères professeurs eux-mêmes ne furent pas épargnés. On commença aux vacances 1869 et. le 8 décembre le sous-sol s’éleva jusqu’à la hauteur de l’étage.
 
Au mois de mars 1870, le jour même de St. Joseph, les travaux furent repris. La communauté et tous les ouvriers assistèrent d’abord à la Ste. Messe pour attirer les bénédictions du ciel sur les travaux. Le R.P. Supérieur passa et bénit, ensuite la première pierre angulaire et les travaux commencèrent. Tout le monde travailla avec ardeur et le 2 juillet les murs étaient à la hauteur voulue pour recevoir la toiture qu’on commença à monter ce jour-là. Tout alla bien et l’on pensa arriver au bout des travaux pour recevoir les élèves en automne, lorsque le 29 juillet la guerre vint jeter le désarroi dans toutes les entreprises, de sorte qu’il fallut. renoncer à la construction et s’enremettre à la Providence. Les ardoises pour les toits étaient commandées mais impossible de se les procurer. Le bâtiment resta découvert et servit de point d’observation d’où dès après le 15 août on pouvait suivre dans la nuit les bombes lancées sur la ville de Strasbourg et considérer l’effrayant spectacle des incendies de cette malheureuse capitale de l’Alsace
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Arrivée des Allemands
 
Les premiers soldats allemands passèrent par Matzenheim le 15 août. Ils étaient au nombre de 3, armés de revolvers et plus ou moins inquiets; ils firent descendre le drapeau placé au-dessus de la porte comme drapeau d’ambulance. Nous n’étions plus chez nous. Strasbourg fut cerné le 10 août en partie au moins et quelques jours après, nous nous rendîmes en promenade jusqu’à la gare d’Erstein, mais le poste nous défendit de passer outre et nous dûmes retourner chez nous. Nous vîmes alors passer les derniers soldats français au cri: « A Berlin! à Berlin! » De même nous avons vu passer un détachement des héroïques cuirassiers de Reichshoffen, hommes magnifiques qui allaient sacrifier leur vie sur le premier champ de bataille. De ce moment les Allemands se conduisaient déjà en maîtres dans notre pauvre patrie: les cloches devaient se taire, toutes les armes devaient être déposées à la mairie et plus permis de sortir de chez soi sans laissez-passer.
 
Travaux dans la nouvelle construction
 
On continue pourtant à travailler dans l’intérieur du bâtiment autant que le temps le permet. Il s’agissait de couvrir la maison et comme les ardoises n’arrivaient pas de France chez nous, on eut recours aux. tuiles et on les commanda à Altkirch chez Gilardani. Mais pendant longtemps on n’eut pas de leurs nouvelles. Enfin on apprit qu’elles avaient été expédiées d’Altkirch. Où étalent-elles? Personne ne le savait. Le Fr. Bernard qui avait pris sur lui l’économat alla à leur recherche et la veille de la fête de l’Immaculée Conception, par un froid excessif, il les trouva arrêtées dans les glaces du canal je ne sais où. Il avait pour compagnon de ce pénible voyage, le Fr. Ambroise et nos deux bons frères nous arrivèrent transis de froid, exténués de fatigue et aussi presque de faim.
Il y avait de quoi désespérer, mais à quoi bon? On espérait en la Providence qui, comme une bonne mère, ne nous abandonne pas et nous donna la force de supporter toutes ces misères sans perdre courage et garder la bonne humeur qui, dans ces circonstances, nous était nécessaire.
Le gros de la maçonnerie était fait, les maçons et les charpentiers avait fini leur travail. Jusque-là tout s’est fait sans le moindre accident, la Providence avait protégé les ouvriers; un seul être y avait laissé la vie, un petit chien Claro qui accompagnait le Fr. économe, Fr. Bernard, de tous côtés, et qui, un jour, voulant prendre un chemin raccourci, tomba sur un pilier de la cave et s’y cassa la nuque. Un autre jour un jeune manœuvre chargé de son seau rempli de mortier tomba sur une poutre d’un étage inférieur y resta assis en califourchon, Jusqu’à l’arrivée de son père qui le délivra de sa périlleuse situation; tout le monde attribua ce fait à une assistance particulière de Dieu.
Il s’agissait maintenant de mettre l’édifice dans l’état d’être habité. C’était l’ouvrage d’abord des couvreurs. En quelques semaines les toits étalent couverts. Un certain nombre de Frères se mirent aussi de la partie, et sans craindre ni pluie, ni neige, ni froid, ils se transformèrent en couvreurs. En quelques semaines les toits étaient couverts. Pour faire avancer le travail du plâtrier, les frères se mirent à clouer les lattes. On en voyait un bon nombre ayant suspendu à leur cou un tablier rempli de clous, un marteau à la main clouer au plafond des lattes que d’autres leur tenaient. Les plâtriers n’avaient qu’à appliquer le plâtre. Parmi ces derniers se distinguaient surtout 3 hommes, les Landmann d’Osthouse, le père déjà vieillard et ses deux fils déjà d’un âge mûr. Bientôt l’une ou l’autre pièce était plus ou moins en état d’être habitée. On y entrait sans qu’elles fussent tapissées, du moins celles qui ont coutume de l’être. Les planchers étaient en attendant formés de vieilles planches placées sans grand appareil, pourvu que les pièces fussent habitables. On fit la salle de réunion des Frères, l’un ou l’autre petit dortoir pour les Frères et quelques élèves, et on attendait que ces derniers arrivassent.
 
Arrivée des élèves et adaptation de la pédagogie
 
Pendant ce temps, l’intérieur de la maison continua à changer de même, et se préparait à recevoir de nouveaux hôtes. Ce furent d’abord les salles de classes, les études et les dortoirs qui pressèrent le plus, car de nouveaux élèves s’annonçaient. A la rentrée d’automne ils étaient, je crois, tout près de 80 internes.
Les premiers Internes étaient d’anciens élèves de Hilsenheim, un Sitzmann, frère de Fr. Edouard, Blum Etienne de la Prusse Rhénane, Reymann Georges de Soultz et un nommé Zimmermann. Des externes arrivèrent bientôt d’Erstein, de Benfeld, de Matzenheim et des villages voisins. Le Pensionnat St. Joseph était ressuscité, seulement dans d’autres conditions : la langue française dut être remplacée par la langue allemande, et les bons Frères durent se mettre eux-mêmes d’étudier cette dernière. Le R.Père nous réunit dans la salle commune. On faisait des dictées, des rédactions pour se familiariser avec l’orthographe, on lisait pour s’approprier autant que possible la prononciation de l’allemand. On se mit aussi au calcul d’après les livres allemands.
Le Fr. Ephrem donnait des leçons de chimie et de physique. Peu à peu les maîtres, à force de travail, se mirent en état de communiquer à leurs nouveaux élèves l’allemand auquel ils se formaient eux-mêmes.
 
A Pâques 1871 de nouveaux élèves arrivèrent et leur nombre grandit peu à peu. Les Anciens de Hilsenheim n’avaient pas perdu leur cher collège et les Frères dont ils gardaient un doux souvenir. Un petit trait marquera bien comment ils gardaient le souvenir de leurs maîtres. Un jour le Fr. Ambroise, l’homme universel, passait à Sélestat au moment où les recrues passaient par la rue qu’il suivait. Ils n’étaient pas encore accoutumés et se croyaient tout permis. D’après cela c’était du temps des Français encore; chez les Allemands ils auraient déjà été métamorphosés. Il y avait parmi les jeunes gens un bon nombre d’anciens élèves; dès qu’ils eurent reconnu le Fr. Ambroise, ils rompirent les rangs et accoururent au cri de « Fr. Ambroise » etvinrent lui serrer la main, au grand contentement du maître et au grand ébahissement des officiers qui laissèrent libre cours à cetélan d’amour.
Au Pensionnat de Matzenheim, les cours allaient leur train,maîtres et élèves piochaient non par plaisir mais par nécessité et pour conserver le renom de l’institut St. Joseph. L’été se passa bien. Quelques petites fêtes vinrent interrompre la monotonie de la vie. C’était la fête du R.P.Supérieur, la Ste Eugène, le 13 juillet, la fête patronale de St. Vincent de Paul et. parfois une excursion qui, je pense, s’est faite aux ruines de la Haut-Koenigsbourg.
Avant la fin du semestre il y eut la solennité de la première Communion. Cette solennité était simple : elle se fit dans la chapelle de la vieille maison, anciennement relais de Poste « Aux deux clés ». Les heureux enfants étaient au nombre de 4 de Sélestat et d’Ebersheim. La chère Sœur d’école Adalbert avait préparé les cierges.
 
 
Vers la fin de l’année 1871, au mois de décembre, nous avons eu denouveau l’honneur de la visite de Mgr. Kobès, vicaire apostolique du Sénégal. Comme je l’ai dit, Sa Grandeur revenait du Conseil et avant de reprendre la route de l’Afrique, elle voulut encore, pour la dernière fois peut-être, revoir sa chère Alsace, et les amis qu’elle laissait derrière elle. Notre Supérieur et sa petite communauté ne devaient pas être oubliés. On avait pour la retraite d’automne préparé une grande salle qui devait être transformée en chapelle; tout y étaitencore à faire. Elle fut plâtrée à la hâte par les plâtriers Lehmann. On y plaça un grand fourneau qui n’empêche pas le plâtre de geler et de faire croire qu’il séchait. On y plaça l’autel et la chapelle fut bénie sans cérémonie par Mr. Dyhlin, ancien curé d’Ebersheim, retiré chez nous pour qui il
devint, avec Mlle JehI, dont il a déjà été question, une aimable Providence à laquelle notre excellent économe Fr. M. Bernard, n’eut jamais recours en vain, car ces deux âmes charitables donnaient tant qu’elles pouvaient.
Mgr. Kobès malheureusement ne put dire qu’une fois la Ste messe dans notre chapelle improvisée. Il tomba malade et. dut abréger son séjour et retourner en Afrique pour y aller mourir. Notre Fr. Supérieur dut s’aliter de même; mais les soins de la bonne demoiselle Jehl qui se transforma en sœur de Charité, nous le conserva avec l’aide de Dieu, le secours de la T.S.Vierge. et de St. Joseph. Au bout de quelques semaines, le bon Père fut de nouveau sur pieds.
 
Les premières relations avec les autorités scolaires.
 
En été 1871, après le dîner, parut dans la cour un monsieur qui, déclinant ses titres nous dit simplement: « Je suis l’inspecteur d’école », mais il n’y a eut nulle inspection dans les classes, et d'après ce qu’on avait appris, ce monsieur a été renvoyé au-delà du Rhin, parce que disait-on, il s’est montré « trop porté pour les sœurs ».
La première inspection qui a fait du bruit parmi les Frères, a été celle du fameux Scolten (Schoblen ou Schotlen)Scholtenbruch ou bruck. Il paraît que les autorités scolaires ont envoyé ce personnage comme don de joyeux événement, pour nous faire goûter la douceur et l’aménité qui nous attendaient dela part de leurs envoyés. En tout ça ce monsieur s’est montré unvrai ours échappé des forêts du nord. Devant sa face tremblaient maîtres et élèves et deux de nos Frères, habitués au système français, ont payé leur audace: l’un a regardé par les fenêtres et l’autre a tourné le dos à ce rustre, ettous les deux ont été révoqués sur le champ: défense de donner jamais des leçons d’allemand.
L’institut St. Joseph de Matzenheim voit son nombre d’élèves toujours augmenter et se porter jusqu’à 400, saut au-delà de 300 internes.
 
 
Les aumôniers
 
Revenons à ces derniers et considérons comment les choses s’y passèrent sous le rapport religieux. Jusqu’en 1874, il n’y avait pas d’aumônier. Le R.P.Supérieur Mertian donnait ses instructions les dimanches et les maîtres faisaient la religion dans les classes. En 1871, il y avait comme essai un aumônier, Mr. Heimburger, mais qui n’était nullement fait pour cette vie d’aumônier. Il se retira en automne de la même année, et encore maintenant vit retiré comme Pensionnaire à l’orphelinat Ste Richarde à Andlau. En 1874 (si je ne me trompe) arrive à St. Joseph comme 1er aumônier au mois de novembre Mr. l’abbé Kieny. Il venait de France où il avait été précepteur dans une famille noble. C’est un ancien élève du Pensionnat de Hilsenheim., originaire de Wittisheim, non loin de Hilsenheim: homme instruit, bon, confesseur, bon catéchiste. Il resta jusqu’en 1889, époque où forcé par un mal de gorge, il dut cesser toute occupation. Il fut remplacé comme aumônier, par Mr. l’abbé Degon (Dugon?), maire de Obernai, originaire de Haguenau qui se distingua surtout par une grande bonté de coeur et un attachement singulier à tous les Frères. Dès qu’il savait un Frère malade il lui prodiguait ses soins. Le Fr. Valentin de la Wantzenau était gravement pris d’une fluxion de poitrine; Mr. l’abbé Degon se fit son garde malade et passa à côté de son lit tous les moments que lui laissait sa charge d’aumônier, sacrifiant même le repos de la nuit. Le malade guérit et tout le monde, à l’unanimité attribue sa guérison aux soins de Mr. l’aumônier. Mr. l’abbé Degon.. mourut comme curé de Forstheim. L’année précédant sa mort il a encore passé la nuit dans la maison et put chanter une grand’messe de requiem pour les défunts de la maison.
Son successeur fut Mr. l’abbé Müller qui ne resta qu’un an à peine; il fut d’abord aumônier à Ribeauvillé, ensuite curé à Mussig et sur les instances de Mgr. l’évêque, il accepta encore la petite paroisse de Uttenheim, mais au bout de quelques semaines, il mourut à la suite d’une opération.
Nous avons encore vu passer comme aumônier l’abbé Vogel, un moment curé doyen de Barr, et Mr. l’abbé Ortlieb qui, en quittant St. Joseph, a été nommé Préfet des études à Zillisheim et est actuellement curé de Hegenheim près St. Louis.
Mais parmi tous ces changements d’aumôniers, le vénérable Mr. Brugger a tenu bon; il a vu partir ses collègues. Il est resté ferme au poste depuis 1886 unissant ses livres, ses études et les élèves, pour lesquels il fut un bon père, un bon confesseur, un excellent maître en religion. Pendant les 30 premières années de son aumônerie, vous n’avez pas vu sortir les élèves pour la promenade sans être accompagnés de leur brave aumônier auquel tous étaient fortement attachés car il savait les intéresser en leur racontant de beaux traits qu’il trouvait dans les nombreuses lectures variées auxquelles il se livrait toujours vu une grande avidité pour se délasser de ses études plus sérieuses; car Mr. Brugger était toujours un travailleur intrépide et ses branches favorites c’était le grec ancien ou moderne, le russe.
En ce moment donc Mr. l’abbé Brugger pour sa 37e année au milieu de nous, stage admirable qui doit bien lui mériter notre affection et tout notre attachement. Les jours de confession générale, nos deux messieurs les aumôniers sont aidés par Mr. l’aumônier de Ehl qui passe au confessionnal une partie de la matinée et une partie de l’après-dîner jusqu’à 4 heures.
 
Les excursions scolaires
 
Les études ont toujours été poussées sérieusement. L’Institut St. Joseph a joui d’un grand renom, non seulement en Alsace, mais jusqu’en France, puisque l’année 1906 a vu dans la classe supérieure française 25 élèves parisiens sur un total de 28 élèves. Mais l’enfant ne peut pas toujours travailler, sa santé exige le repos, le délassement et ses nerfs doivent pouvoir se détendre. Pour cela de temps en temps des promenades au-dehors, dont deux chaque semaine pouvait rompre les classes. Outre cela une ou deux grandes excursions au loin, en train, dans de beaux sites, au milieu des montagnes ou dans des lieux historiques, excursions qui laissent toujours un doux souvenir dans la mémoire des enfants et qu’ils se rappellent toujours avec plaisir. Les premiers buts furent le Mont Ste Odile que deux fois on monta en voiture, le Haut-Koenigsbourg par Sélestat, par Lièpvre, Ribeauvillé et ses 3 châteaux et plus tard les pèlerinages de Dusenbach érigé et consacré en 1890 peut-être, Ste Marie aux Mines, le Val de Villé, Mariental; une fois en tout cas par Brumath où l’on eut la messe chantée, et l’autre fois par le train jusqu’à la gare de Marienthal, deux ou trois fois à Saverne-Haut-Barr, et une fois à Marmoutier, Soultz et Thierenbach. Quant aux excursions en dehors du pays, c’était: Fribourg dansle Brisgau avec son admirable cathédrale, mais ici le temps était court, après le dîner on put seulement faire quelques pas dans laville et se préparer auretour. Une autre année c’était Vieux-Brisach par Neuf-Brisach où l’on traversa le Rhin. Ou admira au haut du rocher un puits extrêmement profond et à l’église un magnifique autel dédié à St. Louis qui, dit-on, doit être un don du roi de France. Outre ces grandes excursions il faut ne pas oublier le pèlerinage qui se faisait chaque année à Neunkirch pour remercier la Ste Vierge de la protection accordée à l’institutde Matzenheim. pendant l’année. A cette occasion il y avait chaque fois grand’messe et un sermon et la fête était rehaussée par une messe en musique.
Une autre excursion qui se faisait presque chaque année, avait pour but le Rhin. On partait, après le dîner; au Rhin les musiciens donnaient un concert et on allait goûter à Gerstheim où les élèves étaient partagés dans 3 auberges. On rentrait un peu fatigué, mais bien disposé.
 
Relations avec les autorités et l’administration ecclésiastiques
 
Mais il fallut songer à l’avenir de la Congrégation. Il s’agissait de poursuivre la permanence de l’œuvre. Mr. le Supérieur Mertian qu’on appelait le R. Père Supérieur, commençait à baisser, et il pouvait nous être enlevé d’un jour à l’autre. Sa santé commençait à donner des inquiétudes. La Congrégation n’avait pas de soutien parmi les hommes; parmi l'administration ecclésiastique on ne lui fut pas bien favorable, et Mgr. Raess ne lui avait jamais donné de marque de sympathie. M. le Supérieur Mertian était certainement digne d’estime et d’honneur, et cependant, jamais on ne songea même à le nommer chanoine. Le bon Dieu était le seul soutien de la petite société, et il allait le montrer à son heure..
En 1883, au mois de décembre, Mgr. Stumpf, coadjuteur de Mgr. Raess, mais qui dans l’administration ne comptait pour rien, fut nommé de par Rome administrateur du diocèse de Strasbourg, et Mgr. Raess dut résilier tous ses droits et les léguer à l’administrateur. Ce changement fut tout en faveur de la petite société des Frères.
Les premières années, les parties musicales des offices étaient encore exécutées au moyen de l’harmonium qui remplissait ces fonctions déjà en 1863, et qui sert encore aujourd’hui aux répétitions ou chants. En 1882 Mr. l’abbé Dyhlin voulut voir un orgue à la place de l’harmonium et il se tint prêt à faire les dépenses. On choisit pour l’exécution des travaux, un facteur d’orgue allemand nommé Koulen qui avait posé les grandes orgues de Prague en… et qui restaure aussi l’orgue de la cathédrale de Strasbourg. Koulen commença les travaux pendant les vacances de Pâques 1882. Il disposait d’excellents ouvriers, et avait encore pour diriger les travaux son vieux père, qui était toujours occupé du matin au soir, tandis que le fils se voyait rarement au travail. Aussi la suite a montré qu’il n’était pas homme à faire marcher les entreprises.
 
Pour la Pentecôte 6 registres étaient prêts, mais on ne se servit de l’instrument que pour la première communion qui eut lieu le jour de la Fête-Dieu, jeudi après la Ste. Trinité L’expertise a eu lieu le 30 juin, fête de la commémoraison de St. Paul. Mr. l’Aumônier Kieny a chanté la grand’messe à 10 H du matin.
 
Le nouvel administrateur du diocèse de Strasbourg, Mgr. Stumpf était un ami intime duR.P.Supérieur et avait même fait les études avec lui. Son premier vicaire général, Mr. Koehler, ancien curé de Brumath avait été précepteur du jeune Eugène Mertian et de ses deux frères Edmond et Joseph, à Ehl, aujourd’hui la maison-mère de la Congrégation.
 
Mgr. Stumpf voulut profiter de la première circonstance pour donner un témoignage public de son affection pour la petite société des Frères. Il vint donner lui-même la première communion aux enfants qui devaient la recevoir au mois de mai 1883 et confirma après la grand’messe tous les élèves qui ne l’étaient pas encore. C’était un jour de bonheur, la gaîté régnait sur tous les visages, mais personne n’était plus content que le bon Mr. Dyhlin qui ne faisait que rêver de camail pour Mr. le Supérieur. Il dut attendre encore quelques semaines. Le 29 juin, à la fête des saints apôtres Pierre et Paul, patrons de l’évêque, le facteur déposa à la porte un grand pli à Mr. le Chanoine Mertian. La joie fut universelle. On prépara pendant les vêpres une petite séance; et après les vêpres toute la maison se réunit autour du vénéré dignitaire pour lui présenter ses plus sincères félicitations. Lorsque le Fr. Bernard alla chez le tailleur chargé de la confection des camails: “Enfin, dit ce monsieur, il en était temps!!”
 
Les dernières années et la mort du Chanoine Eugène Mertian
 
Les dernières années du Vénéré Fondateur sont assombries de deuils cruels. Le Seigneur semble lui faire pressentir sa propre mort, en rappelant à lui ses plus chers amis. Le 17 mars 1884, son fidèle conseiller et ami, le Vicaire Général Koehler meurt, le jour et à l’heure mê­me fixés pour une visite à Matzenheim. Le 15 novembre 1884, le Père Fondateur perd le cher Frère Bernard en qui il comptait avoir un digne successeur: « Je perds en lui, écrit-il, mon bras droit, un homme de coeur, d’intelligence et d’esprit de foi ». Puis, quelques mois avant sa mort, il apprend le trépas de son bienfaiteur et protecteur Son Excellence Mgr Stumpf qu’il aimait appeler « parrain de la Congrégation des Frères ». On comprend que la perte de tels amis et bienfaiteurs ne manque pas d’éveiller en lui de nouvelles inquiétudes pour l’avenir de son œuvre. Mais ne fallait-il pas que l’homme de Dieu aille jusqu’au bout de son calvaire et qu’il achève le sacrifice accepté dans la géné­rosité de son année d’ordination.
Depuis 1885, plusieurs attaques d’apoplexie privent le Père Fondateur de toute activité. Son mal s’aggrave au cours de l’année 1887 au point qu’il ne peut célébrer le Sacrifice sans de cruelles souffrances.
Une cure de quelques semaines n’apporte au­cun soulagement à son corps usé par le travail et la maladie. Jusqu’au bout, il tient pourtant à être informé, par son premier Assistant Fr. Hilaire, sur tou­tes les questions intéressant les œuvres de ses Frères. Peu de temps avant sa mort, le Seigneur lui accorde encore la douce joie d’une illustre visite, celle de son ami intime, Son Excellence Mgr Fleck, évêque de Metz.
Le 20 décembre 1890, une nouvelle attaque enlève le Père Supérieur. Son âme retournait à Dieu, le jour du 45ème anniversaire de son élé­vation au sacerdoce, après une vie riche d’ac­tions et de vertus. Aux obsèques émouvantes se joignirent, à la communauté des Frères en deuil, de nombreux amis et anciens élèves et un nombre considérable d’ecclésiastiques. Dans son oraison funèbre, le Curé Gloeckler retraça la noble figure du regretté Chanoine Mertian, modèle de prêtre, de religieux, de Supérieur et d’éducateur
Les membres de l’administration brillèrent par leur absence ce qui a été remarqué par le clergé et par contre l’administration scolaire était représentée par M. l’Inspecteur du Cercle, Mr. Eichhoff qui toute une demi-heure s’est tenu tête chauve devant le cercueil. La grand’messe a été chantée par M. le curé doyen de Benfeld, M. D.... et Mr. le curé Glöckler, un bonami du cher défunt, fit son oraison funèbre. La foule qui accompagnait le vénéré Supérieur à sa dernière demeure fut immense. Il y avait tout près de 400 étrangers au village: ecclésiastiques et anciens élèves, les élèves alors présents et les habitants du village très bien représentés. Mr le curé Fettig avait mis le chœur de l’église à la disposition du Frère sacristain avec toute permission d'y agir à sa guise.
 
Le Frère Hilaire
 
La société des Frères était un troupeau sans pasteur, une famille sans chef; et l’on songea à choisir un successeur au Supérieur décédé. Elle était, en attendant, dirigée par le 1er assistant, Fr. Hilaire. Celui-ci annonça d’abord l’élection des délégués, car ce devait être une élection à deux degrés. L’élection du Supérieur eut lieu à Matzenheim, le jeudi après Pâques. La majorité des voix se réunit sur le Fr. Hilaire, qui avait dirigé les affaires de la Congrégation depuis la mort du Fr. Bernard, assistant: de Mr. Mertian et mort, en février 1884. Le 1er assistant fut le Fr.Amand.
Le nouveau supérieur général, le Frère Hilaire, prit sérieusement les affaires en main; il se démit du directorat du Pensionnat, afin de n’avoir qu’à suivre les affaires de la Congrégation. Le nouveau directeur du Pensionnat: fut le Fr. François: homme plein de talents, d’une grande énergie et qui aurait fait fleurir le Pensionnat si le bon Dieu lui avait conservé la santé. Mais une maladie lente, qu’on prenait pour maladie poitrinaire, le minait lentement, et enfin on le reconnut souffrant de l’appendicite. Mr. le Dr. Jules Boeckel fut appelé à la hâte: il fit l’opération qu’il dit avoir bien réussie, mais il n’en attendit pas grand chose.Le lendemain M. Siffermann arriva de bonne heure et fut bien étonné de le savoir encore en vie. Il mourut ce jour même. C’était vendredi: il fut enterré dimanche.
 
L’Abbé Kelhetter et la nouvelle Chapelle (1875)
 
L’année 1903 a vu disparaître de nos milieux un homme simple, bon, un vrai homme de bien, prédicateur en paroles eten actions, qui n’avait de plus grand désir que d’étendre le règne de Jésus. Il s’occupa beaucoup du bien de notre Congrégation, mais on ne savait pas l'apprécier. Il voulait. le bien de notre Société et ne cherchait qu’à lui procurer les moyens de s’étendre. Cet homme c’était Mr. l’abbé Kelhetter, chanoine de Strasbourg, Chevalier du St. Sépulcre et Missionnaire apostolique. Mr. le Sup. Mertian notre R.P. Supérieur. reculait toujours devant le grand travail qui consistait à mettre la chapelle en état de pouvoir servir pour les offices du culte. Et pourtant il n’y avait rien de plus nécessaire. Les élèves allaient se multiplier on ne pouvait en douter. Et il fallait de la place pour les recevoir. En tout premier lieu il fallait emménager la chapelle dont les murailles nues étaient là.Mais le pauvre Supérieur n’avait pas d’argent. Alors Mr. Kelhetter se mit de la partie. Il fit imprimer des images pour quêter et la veille de la première communion. Il en parla aux premiers communiants de la nouvelle chapelle. Il leur apprit à bien demander ou bien mendier.
Les travaux commencèrent aussitôt après la première communion et furent poussés très rapidement et étaient avancés pour que la bénédiction pût être fixée au 10 août 1876. Ce fut, un beau jour pour l’Institut et la Congrégation. Les Frères étaient invités à venir y prendre part et tous ceux qui pouvaient s’absenter de leur poste répondirent à l’invitation; un grand nombre de prêtres prit aussi part: à cette fête. dont je ne nommerai que ceux qui remplirent une fonction pendant la cérémonie. La chapelle avait été transformée en un grand jardin de lauriers, de grenadiers tout en fleurs.
Le maitre-autel était à lui tout seul un grand massif de fleurs et delumière. Le R.F.Supérieur comme délégué fit les prières de la bénédiction, Mr Dyhlin, le parrain de la chapelle chanta la grand’messe, Mr. Kelhetter tint la chaire, rehaussa, les mérites de ceux qui avaient contribué avec leurs bourses à la beauté de la maison du Seigneur et les engagea comme un mendiant insatiable à donner encore et toujours. Mr. Edmond Mertian l’homme de la liturgie était le maître des cérémonies. Lorsque les prières de la bénédiction furent achevées on forma la procession. Les Frères, chacun un cierge allumée à la main droite précédaient les prêtres revêtus de la chape, des dalmatiques, de la chasuble, d’aubes et de surplis. La croix entre deux cierges précédant la procession on alla chercher le Saint-Sacrement qui, pendant ces deux jours avait été conservé dans la première chambre de Mr. Dyhlin.
 
Après on chanta une grand’messe solennelle que les chantres du Fr. Amand enlevèrent avec un magnifique entrain. Bien des yeux étaient humides de larmes de joie pendant cette imposante cérémonie. Plus d’un vétéran de la société pleurait à chaudes larmes. Bien des choses restaient encore à faire à la chapelle: le R.P. Supérieur s’entendit avec le peintre Huss de Bernardswiller pour lui faire reproduire en peinture la vie de St. Joseph tout le long de la nef sous la voûte et à la voûte du chœur la dispersion des apôtres et à la tribune quelques saints d’Alsace. Mr Huss se mit au travail avec ardeur et son travail se trouva achevé à l’époque où mourut Mgr. Raess, 17 nov. 1887. Ce jour-là on enleva l’échafaudage des chœurs pour avoir de la place pour le catafalque qui devait servir pendant la messe solennelle de Requiem. Malheureusement ce travail coûta la vie d’un homme. La peinture d’ornementation avait été confiée au doreur Mr. Mertz de Strasbourg. Celui-ci avait à sa disposition un excellent peintre avec ses ouvriers, nommé Schlegel. C’était un jeune homme d’une grande piété, très estimé de Mr. le curé et des Frères de Fréland où il avait restauré l’église. Le matin tout le monde avait été frappé de la piété toute ingénue avec laquelle ce jour-là surtout il avait assisté au St. Sacrifice. Après une heure de l’après-midi, on se mit à placer encore l’échafaudage roulant sur lequel devait se tenir le peintre. Le cher Fr. Fridolin notre serrurier était de la partie. Tout à coup un cri effrayant: un homme est tombé! C’était le pauvre Schlegel qui était tombé sur le premier siège, dont une pièce d’à peu près deux mètres s’amincissant vers le haut était enfoncé. L’ouvrier fut ramassé sans connaissance, chacun de nos prêtres à la maison; heureusement le bon Dieu nous avait envoyé Mr. Moyses, curé d’Osthouse. Il donna l’absolution in extremis au malheureux dont la dernière parole avait été aux chers enfants! Le surlendemain le malheureux fut enterré au cimetière de Matzenheim au milieu d’une grande affluence. Bien des yeux se mouillèrent à la vue de la pauvre veuve et les pauvres orphelins plongés dans la douleur.
 
Affaire passée sous Mr. le curé Fenger (1881 ou 1882).
 
Mr. le curé avait prêché contre la promiscuité des sexes dans les classes. Il fut dénoncé de ce chef, point n’est besoin de demander par qui: les accusateurs se firent connaître d’eux-mêmes. L’administration protestante était heureuse de trouver un prêtre en défaut, selon sa manière de voir, et l’on condamna le bon curé à 4 semaines de forteresse à Bitche. Il y occupa la place qu’avait , pour le même crime, l’année d’auparavant, occupé Mr. le curé N... de Schönau et qui avait été cherché pour occuper sa cellule lorsqu’il allait commencer à nous prêcher la retraite de 1881. Mr. le curé Fenger avait donné ses ordres avant de partir. Dans la semaine pas de messe, à moins d’un décès, le dimanche une messe basse à 9 h par Mr. le curé Dhylin, prêtre retraité qui logeait au pensionnat, à 2 h à l’heure des Vêpres et à la place de celle-ci un chapelet dirigé par les demoiselles. Tout allait bien de cette manière et l’ordre était observé, mais deux hommes veillaient pour qu’il n’en fût pas ainsi. C’était l’adjoint et l’instituteur Herrmann à 2 h monte à l’orgue, entonne les Vêpres comme si le prêtre était présent, tandis que les demoiselles commencèrent le chapelet.. L’organiste tira alors tous les registres et les filles cessèrent de prier et allèrent sur la place de l’église jusqu'à la findu spectacle. Elles rentrent alors et disent le chapelet avec les fidèles comme l’avait prescrit Mr. le curé. Mr. Herrmann n’a rien de plus pressé que d’aller dénoncer les demoiselles comme ayant troublé l’église (l’agneau a troublé l’eau du loup). C’étaient les filles des meilleures familles du village et dix furent condamnées les unes à 8 j., celles qui eurent le moins ce fut 1 jour. Elles s’arrangèrent de manière àpouvoir faire leur châtiment le même jour et rentrèrent ensemble, mais suivies et précédées de gendarmes (pour qu’il ne leur arrivât pas malheur). Une autre rentrait seule en se faufilant derrière les jardins.
Pendant ce temps l’église était tendue de noir, comme aux jours de deuil et resta telle jusqu’au retour de Mr. le curé. C’était pour les Frères un moment bien difficile. Mr l’inspecteur Eichhoff conseilla au Fr. Directeur de ne se mêler en rien de cette affaire, comme qui serait de donner un organiste parce que, disait-il, on a les yeux fixés sur vous et l’on serait heureux de vous trouver en défaut.
 
Lorsque Mr. le curé eut fait ses 4 semaines, il fit savoir au P. Supérieur le jour et l’heure où il arrivait, le priant d’en avertir seulement trois hommes pour éviter de cette manière toute manifestation qui eût été agréable au gouvernement. Tout s’arrangea de cette manière; le curé rentra accompagné de quelques messieurs seulement, alla d’abord chez le marguillier dont le père était malade.
Le lendemain le martyr en rentrant à l’église, la trouva ornée comme aux grandes fêtes et dans la matinée il reçut une députation de la jeunesse féminine qui venait lui apporter un beau présent en compensation de ce qu’il avait souffertpendant les 4semaines de prison.
Les deux principaux adversaires de Mr. le curé, ne retirèrent de tout cela que la honte longtemps après, heureux d’avoir le curé auprès de son lit. L' adjoint mourut et l’instituteur permuta avec Mr. Boespflug, instituteur de Wittisheim et originaire de Matzenheim. Mr. Herrmann aux menaces de Mr. le curé de Wittisheim répondit qu’il n’avait rien à craindre de sa part, qu’il avait assez souffert et qu’il se garderait bien de s’attaquer encore au prêtre. Il tint parole.
 
Dégradation de la santé de Frère Hilaire. Son décès en 1906.
 
Dans les années 1900 la santé du R.P. Supérieur Fr Hilaire commença à baisser lui qui, un homme si fort et qui necraignait pas les fatigues, sentit ses forces diminuer peu à peu et le voyage de Zelsheim oùil se rendait assez souvent lui causa beaucoup de peine. Il rentra un jour tout épuisé. Il voulut essayer un traitement chez Mr. Ellerbach, mais ce traitement n’a pas de succès et il se trouve toujours plus faible on commença à craindre sérieusement etil voulut se préparer au dernier passage. Sur ces entrefaites il y eut réunion d’un conseil général que présidait M. W. de Bulach. Dans l’après-midi, le Fr. Sup. dut quitter la réunion et il alla se coucher. Le Conseil fut interrompu et Mgr. quitta Matzenheim très péniblement impressionné, promettant de revenir dans la soirée pour constater l’état du vénéré malade. Mgr. revient vers la tombée de la nuit. Sur ces entrefaites le malade fut atteint d’un érésipèle qui prit aussitôt de grandes dimensions et décida du sort du cher malade, qui mourut le 26 février 1906 après avoir dirigé la Congrégation avec un grand zèle depuis le 8 septembre 1891.
Le nom du Fr. Hilaire était connu dans toute l’Alsace et, au-delà de ses frontières, en France et en Allemagne et l’on s'attendait àvoir affluer les anciens élèves pour lui rendre les derniers devoirs. Les foules eneffet, étaient immenses, au-delà de 100 prêtres et ils eussent. été plus nombreux n’eût été le temps horrible qu’il faisait et qui a forcé plus d’un d’entre eux de retourner sur leurs pas et de se remplacer par une lettre ou une carte. Disons seulement pour avoir une idée de l'affluence que plus de
300 prêtres et anciens élèves prirent place au réfectoire, en même temps que les élèves présents au Pensionnat..