1944: une superforteresse abattue près d'Ehl

C’était peu avant midi, par un temps ensoleillé du mois de juillet ou d’août 1944. Je travail­lais au jardin. Brusquement, j’entends le vrombissement d’une escadrille de superforteresses venant du côté est. Les avions volaient à grande altitude et se di­rigeaient vers les Vosges. Sur le chemin du retour après le bombardement de Munich, ils furent pris en chasse par l’aviation allemande.

En direction du sud-est, entre Ehl et Herbsheim, des rafales de mitrailleuses retentissent. Je remarque aussitôt qu’un panache de fumée se dégage d’une superforteresse alliée. Au même instant, je vois sortir de l’avion en feu une demi-douzaine d’occupants suspendus à leurs parachutes ouverts. Pendant qu’ils descendent lentement, l’avion culbute et va s’ écraser en une for­midable explosion du côté de la forêt de Herbsheim.

Les aviateurs alliés finissent par atterrir dans le bosquet près de la Chapelle St.Materne et dans les prés et champs voisins. Le parachute de l’un d’eux res­te accroché dans la frondaison d’un chêne, à quelques centaines de mètres de notre ferme. L’aviateur ne perd pas de temps pour se libérer et descend dans le pré voi­sin. Puis il tend un paquet de cigarettes aux gosses, accourus en hâte de Sand. La Police allemande arrive à son tour et se lance à la recherche des aviateurs fugi­tifs. Bien sûr, l’intervention rapide des policiers, les circonstances de la catastrophe, et la nature du terrain favorisent la capture. Les prisonniers sont transférés à Strasbourg, après un court passage au pos­te de gendarmerie, installé dans la conciergerie du Col­lège de Matzenheim.

Cependant l’un des aviateurs, un officier par­lant l’anglais, avait pu se réfugier dans un champ de maïs, à proximité de la ferme d’Ehl. Profitant de l’obs­curité de la nuit tombante, il se faufila dans notre cour où le Fr. Antoine Grieneisen l’accueillit et lui trouva une cachette sûre. L’aviateur put s'évader quel­que temps après, au-delà des Vosges.

 

...suite de son aventure...:

A St Dié il fut agressé par des gens, mais en réchappa et put prendre des habits civils. Il fit semblant d'être sourd-muet. Il prétendit s'appeler "Toussaint". Cependant il fut réquisitionné par les Allemands pour des travaux forcés et envoyé dans le camp de Schimeck, puis dans le camp de concentration de Rosenfels. Là, avec une grande maîtrise de soi, il parvint à cacher sa véritable identité, et réchappa ainsi à l'exécution de 27 prisonniers dans le Erichwald de Gaggenau. Après la guerre il put rendre témoignage de ce massacre put donner les noms des prisonniers exécutés.

Cependant lui-même ne survécut pas aux privations dont il fut l'objet dans les différents camps et il est décédé le 24 mai 1945.

(D'après une documentation: "Sicherungslager Rotenfels"1989)

  • Sergent Harley

    Sergent Harley